La MNFCT présentait hier en visio conférence l’étude « La territoriale au temps du confinement ».

Réalisée entre juin et septembre 2020 par Cindy Felio, psychologue du travail et docteure en sciences de l’information et de la communication. L’enjeu ? Mettre en lumière le rôle et le ressenti de ces agents essentiels au bon fonctionnement de notre démocratie mais trop souvent laissés dans l’ombre. Interview de l’auteure :

Comment avez-vous été amenée à travailler sur ce sujet ?
Cindy Felio :
 Depuis quelques années, je travaille régulièrement avec la MNFCT. Lorsque le premier confinement s’est achevé, la mutuelle m’a contactée car elle souhaitait mener une étude sur les fonctionnaires territoriaux et le confinement. L’enjeu n’était pas de réaliser une enquête quantitative, sur le modèle de celles lancées par les syndicats ou l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (Anact), mais de s’inscrire en complément de ces travaux avec une approche qualitative. Entre juin et septembre, j’ai donc rencontré 34 agents en entretien individuel d’une heure. J’avais une trame avec les thématiques principales à aborder mais j’ai préféré laisser mes interlocuteurs guider l’entretien. Je voulais qu’ils me livrent avec leurs mots la manière dont ils avaient vécu le confinement.

Quel est l’objectif de l’étude ?
C. F. :
 Je crois avant tout que la MNFCT a souhaité donner la parole aux fonctionnaires territoriaux. Cette catégorie socio-professionnelle fait peu l’objet d’études de ce genre. Le rôle de ces agents est trop souvent sous-estimé. Ils constituent pourtant des rouages indispensables au bon fonctionnement de nos collectivités et de notre démocratie locale. Nombre d’entre eux étaient en première ligne durant le confinement et le sont encore aujourd’hui pour assurer la continuité du service public et organiser la solidarité collective.

Quels sont les principaux enseignements ?
C. F. :
 Sur le plan professionnel, les entretiens ont mis en évidence la brutalité de la confrontation avec le télétravail. Problèmes de connexion, équipements parfois inadaptés, irruption de la sphère pro dans la sphère privée ou sentiment d’isolement… J’ai constaté que les difficultés rencontrées étaient très similaires à celles des salariés du privé. Les agents, peu nombreux, qui avaient eu l’occasion de pratiquer le travail à distance avant le confinement ont cependant moins mal vécu la situation. Autre constat intéressant lié au télétravail : la remise en cause des formes de management traditionnel. D’un seul coup, les agents se sont retrouvés seuls face à leur travail : ils ont dû faire leurs propres choix, prioriser leur activité. Cette autonomisation et cette distanciation sont venues bouleverser les relations avec la hiérarchie. De leur côté, les personnes qui travaillaient sur site ont évoqué l’apparition de nouvelles missions liées au confinement ou encore le stress lié à l’exposition au virus et à la peur de le transmettre à leurs proches. Nos échanges ont mis en avant une forme de surinvestissement au travail qui, pour certains, a entraîné une situation de souffrance au travail.

Vous évoquez également dans vos conclusions un point plus positif : un fort sentiment d’utilité professionnelle…
C. F. :
 Tout à fait. Les agents sur le terrain ou en télétravail se sont emparés des moyens à leur disposition pour créer de nouvelles formes de liens sociaux à distance, pour assurer la continuité du service public… Ils avaient le sentiment d’agir sur la situation. Par ailleurs, le confinement et le télétravail ont entraîné l’arrêt de certaines activités. Le temps ainsi dégagé a permis d’avancer efficacement sur des dossiers en suspens depuis plusieurs mois. Enfin, chez les personnes en autorisation spéciale d’absence, certains ont continué de s’impliquer par le biais de leurs mandats syndicaux ou en tant que membres du CHSCT pour soutenir leurs collègues en activité.

Quel regard ces conclusions permettent-elles de poser sur le second confinement ?
C. F. :
À peine six mois se sont écoulés entre les deux confinements. C’est peu, et pourtant ces deux périodes n’ont rien à voir. En mars, la situation s’apparentait à une parenthèse inédite, mobilisatrice. Pour beaucoup, elle a été le socle de questionnements existentiels sur la vie, le rapport à soi, aux autres, au travail. En octobre, nous avons pu nous appuyer sur l’expérience du premier confinement pour affronter la situation. Je pense notamment à une participante de l’étude qui m’a écrit pour m’expliquer ce qu’elle avait mis en place pour se préserver et ne surtout pas revivre la même chose qu’au printemps. Elle a notamment emménagé dans un appartement plus grand, avec un bureau, pour mieux cloisonner vie pro et vie perso.